En Syrie, rien de nouveau ?
Va-t-on vers une guerre civile en Syrie ? Une étape a été franchie dans cette direction après que les forces de sécurité syrienne aient été forcées de négocier un cessez le feu avec l’opposition dans la ville de Zabadani, proche de la frontière libano-syrienne.
La possibilité d’une résolution « pacifique » du conflit, par la négociation de concessions significatives de la part de Bachar El Assad s’éloigne de jour en jour. Ce dernier, qui était pourtant apparu comme un réformateur occidentaliste lors de son accession au « trône » à la mort de son père, semble bien décidé à ne pas céder un pouce de terrain.
Il dispose de fait d’appuis considérables qui l’encouragent dans cette voie: la minorité dont il est issu, les alaouites, contrôle l’ensemble de l’appareil économique et politique du pays (le parti Baas). Alors que de plus en plus de soldats font défection, il est assuré de la totale fidélité de ses puissantes milices de sécurité (composées d’alaouites grassement rémunérés par le pouvoir) qui agissent parallèlement à l’armée régulière avec une férocité extrême. Enfin, il a le soutien de toutes les (nombreuses) minorités religieuses du pays, au premier rang desquelles les chrétiens : ces derniers, qui ont en tête l’exemple irakien, ont en effet très peur qu’un nouveau régime démocratiquement élu et donc à majorité sunnite leur soit beaucoup moins favorable. La plupart des minorités, choyées par le régime des El Assad, tiennent le même raisonnement. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que Bachar El Assad vient récemment d’accorder le très avantageux statut de « minorité » aux kurdes…
Face à cette situation de force du pouvoir, et du fait de l’inactivité, volontaire ou non selon les cas, de la communauté internationale, de plus en plus d’opposants au régime estiment que leur liberté ne peut être obtenue que l’arme à la main.
Leur relative « victoire » à Zabadani, l’intransigeance du pouvoir et le fait qu’ils contrôlent actuellement environ trois douzaines de villes les pousse dans cette voie. Le nombre de défections dans l’armée (défections accompagnées de vols de matériels militaires) fait que les opposants vont vite être capables de passer du statut de manifestants armés de pierres à celui de groupes militaires « armés tout court ».
De plus, l’opposition syrienne « historique », presque exclusivement composée d’exilés, ne parvient pas à s’unir et n’a presque aucune influence sur un mouvement actuellement « sans tête ». Les dérives particularistes et extrémistes sont donc possibles.
Il y a ainsi tout lieu de craindre que le conflit ne se mue en véritable guerre civile. Ce serait le pire des scénarios, car un combat pour la liberté se transformerait alors en une guerre entre groupes ethniques et confessions religieuses. Un scénario « à la libanaise » qui ne profiterai à personne : ni à Israël, qui aurait à gérer une nouvelle zone d’instabilité armée à ses portes, ni à l’Iran, qui voit en Bachar El Assad un allié précieux.